Dérogations « espèces protégées »

Crédit photo: Goldquest / Actu-environnement

Obtenir une autorisation d’urbanisme peut ne pas suffire pour permettre la construction d’un projet.

Le terrain d’assiette peut être occupé par des espèces végétales ou animales protégées ou encore comporter leur habitat.

Ces derniers peuvent apparaître lorsque par exemple le terrain a été laissé en jachère entre la maîtrise foncière et la démarrage des travaux. Cet état de jachère étant propice au développement des espèces protégées. De même, les bâtiments abandonnés sont souvent colonisés par des espèces protégées.

1/ Principe d’interdiction de toute destruction d’espèces protégées

Le Code de l’environnement érige en principe l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leur habitat (art. L. 411-1 Code de l’environnement).

2/ Dérogation par autorisation préfectorale

Une autorisation préfectorale est nécessaire lorsque le projet comporte un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces en tenant compte des mesures d’évitement et de compensation (L. 411-2 CE et JP CE).

3/ La dérogation peut être obtenue si le projet répond par sa nature à une RIIPM : Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur.

En présence d’un tel intérêt, il faut également remplir deux autres conditions pour obtenir l’autorisation :

– Démontrer l’absence de solution alternative satisfaisante,

– ET l’absence d’atteinte au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Le schéma ci-après rappelle ces grands principes avec des exemples tirés de la jurisprudence.

Affichage du permis de construire : le Conseil d’État rejette les photographies numériques horodatées comme preuve suffisante

Par une décision en date du 10 mars 2025, le Conseil d’Etat a jugé que des photographies prises par le bénéficiaire d’un permis de construire (PC) ne sont pas suffisantes pour prouver l’affichage régulier dudit PC, compte tenu de la possibilité de modifier leurs métadonnées numériques.

En l’espèce, un permis de construire (PC) et un permis de construire modificatif (PCM) en vue de la réhabilitation à l’identique d’une ancienne ferme ont été délivrés par le maire de Saint-Restitut au pétitionnaire.

Un voisin a saisi le Tribunal administratif (TA) de Grenoble d’une requête aux fins d’annulation de ces deux arrêtés le 1er avril 2019. Le bénéficiaire a alors opposé une fin de non-recevoir, jugeant la requête du TA irrecevable pour tardiveté.

En effet, le délai de recours contre une autorisation d’urbanisme commence à courir à compter du premier jour d’une période continue de deux moisd’affichage (article R.600-2 du code de l’urbanisme).

Or, le pétitionnaire soutenait avoir affiché le permis de construire dès le 28 janvier 2019 et produisait, à l’appui de son allégation :

  • des photographies du panneau d’affichage qu’il avait lui-même prises en soutenant que les métadonnées numériques associées à ces photographies attestaient de leur date de prise de vue ;
  • une attestation peu circonstanciée d’un voisin et celle d’un tiers faisant état d’un affichage les 2 et 3 mars 2019.

Tant le TA que la Cour administrative d’appel (CAA) de Lyon (24 janvier 2023, n° 21LY01670) ont rejeté la fin de non-recevoir, au motif que la preuve de l’affichage régulier et continu du permis de construire n’était pas rapportée.

Saisi du litige, le Conseil d’Etat rappelle d’abord qu’il incombe au bénéficiaire d’un PC de justifier qu’il a bien accompli les formalités d’affichage prescrites par le code de l’urbanisme.

Il ajoute que, compte tenu des possibilités techniques de modifier leurs métadonnées numériques, la date des photographies produites ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes pour attester du caractère régulier et continu de l’affichage du PC. La Cour a donc, à bon droit, écarté la fin de non-recevoir opposée par le pétitionnaire du permis.

Il résulte de ce qui précède qu’une preuve numérique ne peut être retenue par les juges que lorsque son authenticité est garantie.

En matière d’affichage du permis de construire, le recours à des constats de commissaire de justice semble demeurer le mode de preuve le plus fiable, même s’il n’est pas le seul.

A cet égard, la CAA de Lyon a récemment jugé qu’un coffre-fort numérique de type « Digiposte » bénéficiait d’une sécurité suffisante, notamment s’agissant des dates de versement des documents, pour établir la régularité de l’affichage d’un PC (CAA Lyon 12 décembre 2023, n° 21LY04307).

Précisions sur l’obligation de réalisation de logements sociaux dans les communes carencées

CE, 10 février 2025, n° 491009, mentionné aux Tables

Par une décision du 10 février 2025, le Conseil d’Etat précise (i) que le seuil de 800 m² de déclenchement de l’obligation de réaliser des logements sociaux dans les communes carencées ne s’applique qu’aux surfaces de plancher à destination d’habitation, sans tenir compte des surfaces dédiées aux autres destinations du projet et (ii) que la proportion de 30 % de logements sociaux s’applique au nombre de logements familiaux figurant dans le projet, sans considération de la part que représente leur surface au sein de la surface totale dédiée à l’habitation dans l’immeuble.

Une société a déposé une demande de permis de construire portant sur la construction d’un immeuble collectif de 10 logements, 3 commerces et 11 parkings, pour une surface de plancher (SDP) totale de 934 m², répartie comme suit :

  • 759 m² de logements,
  • 175 m² de commerces,

sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Saint-Maur-des-Fossés, faisant l’objet d’un arrêté de carence en logements locatifs sociaux.

Le PC a été refusé par la préfète du Val-de-Marne, compétente en l’espèce en raison de l’état de carence, au motif qu’il ne respecterait pas l’obligation de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme de réaliser des logements sociaux.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme : « conformément à l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation, dans les communes faisant l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du même code, dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30 % des logements familiaux sont des logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5 dudit code, hors logements financés avec un prêt locatif social. L’autorité administrative compétente de l’Etat, sur demande motivée de la commune, peut déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération ».

Le TA de Melun annule toutefois le refus de PC, considérant que le seuil de 800 m² doit s’appliquer aux surfaces dédiées aux logements, à l’exclusion des surfaces dédiées aux autres destinations du projet. En l’espèce, la SDP à destination d’habitation n’excédant pas 800 m², le projet n’était donc pas soumis à l’obligation de réaliser des logements sociaux.

Le Conseil d’Etat, saisi par le ministre, confirme la solution du TA de Melun et rejette le pourvoi.

Il précise ainsi que, dans les communes ayant fait l’objet d’un arrêté de carence :

  • l’obligation de réaliser des logements locatifs sociaux s’applique si le projet d’immeuble collectif comporte plus de 12 logements ou s’il consacre plus de 800 m² de SDP à un usage (comprendre a priori destination) d’habitation, sans tenir compte des surfaces dédiées aux autres destinations du projet ;
  • dans cette hypothèse, la proportion de 30 % de logements locatifs sociaux s’applique au nombre de « logements familiaux » figurant dans le projet, sans considération de la part que représente leur surface au sein de la surface totale dédiée à l’habitation dans l’immeuble.

Si ces clarifications sont bienvenues, le Conseil d’Etat aurait pu saisir l’occasion pour renvoyer expressément aux destinations et sous-destinations des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme et non à l’ « usage d’habitation » pour l’appréciation du seuil de 800 m², mais aussi pour définir la notion de « logements familiaux ».

Lotissement et cristallisation des règles d’urbanisme : les dernières précisions apportées par le Conseil d’Etat…

Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 18/10/2024, 473828

Le principe de cristallisation des règles d’urbanisme de l’article L 442-14 du code de l’urbanisme est considéré comme une garantie très importante pour les lotisseurs et les colotis en ce qu’il les protège d’une évolution défavorable des règles d’urbanisme après l’obtention d’une autorisation de lotissement (permis d’aménager ou déclaration préalable). Il a toujours soulevé de belles questions pratiques. Les plus anciennes concernent par exemple le point de départ de la cristallisation et du délai de cinq ans en permis d’aménager avec travaux (ou… sans travaux) ou encore la possibilité de panachage des règles d’urbanisme susceptibles d’être appliquées aux permis de construire dans le lotissement, selon leur caractère plus ou moins favorables aux projets de construction…

La jurisprudence ayant (logiquement) rappelé que la cristallisation était perdue en cas de caducité du permis d’aménager ou de la non-opposition à déclaration préalable, les opérateurs et les collectivités sont confrontés depuis quelques années à de nombreux contentieux engagés par des tiers, extérieurs à un lotissement autorisé (voire par certains colotis…), qui cherchent à contester des permis de construire en invoquant la péremption du permis d’aménager ou de la non-opposition à déclaration préalable, lorsque les règles d’urbanisme ont évolué défavorablement (par exemple lorsque la hauteur maximale a été abaissée ou plus radicalement lors que le terrain loti se retrouve dans une zone inconstructible…). Le Conseil d’Etat ayant écarté le bénéfice de la cristallisation en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance des lots créés par l’opération (Cf. son arrêt du 13 juin 2022, n°452457), il a été jugé que la seule signature de promesses de vente dans le délai de validité de l’autorisation ne suffisait pas – ou peut être pas dans tous les cas selon le contenu de la promesse- pour éviter la caducité et l’application de règles postérieures défavorables (Cf. CAA de Lyon, 30 avril 2024, n° 22LY02695). 

De même, a été portée au contentieux une autre thèse selon laquelle le lot faisant l’objet du permis de construire devait, pour bénéficier de la cristallisation, avoir lui-même fait l’objet d’un transfert en propriété ou en jouissance dans le délai de validité de l’autorisation de lotissement. Nous avions obtenu du Tribunal administratif de Lyon qu’il rejette cette argumentation. Dans son arrêt du 18 octobre 2024, mentionnés au table du recueil Lebon, le Conseil d’Etat confirme cette position : il juge clairement, d’une part, que le lotisseur n’a pas à transférer la propriété ou la jouissance de tous les lots du lotissement dans le délai de validité de l’autorisation du lotissement et, d’autre part, que peu importe si le lot objet du permis de construire n’a pas lui-même fait l’objet d’un tel transfert. 

Cet arrêt, important pour les opérateurs, ne statue pas sur la question des lotissements ne donnant lieu qu’à la signature de promesses dans le délai de validité de l’autorisation. Dans sa décision, le Conseil d’Etat vise toujours, dans la continuité de son arrêt du 13 juin 2022, la nécessité de transferts en propriété ou en jouissance dans le délai de validité de l’autorisation de lotissement, sans évoquer l’hypothèse de lotissements avec promesses de vente, qui ne se présentait pas dans cette affaire.

Mais, très pragmatiquement, cet arrêt permet aux lotisseurs de conserver leur autorisation et le bénéfice de la cristallisation pour tous leurs acquéreurs dès lors « qu’une partie au moins des lots » a fait l’objet d’un transfert de propriété ou de jouissance dans le délai de validité du permis d’aménager ou de la non-opposition à déclaration préalable. La situation particulière de cette affaire, qui donne à cet arrêt un intérêt pratique supplémentaire, tient au fait que la cristallisation a ainsi bénéficié… à un permis de construire déposé sur le seul lot des quatre du lotissement autorisé qui était destiné à être bâti et que c’est précisément ce lot à bâtir qui n’avait pas fait l’objet d’un transfert de propriété et de jouissance dans les trois ans. Ce faisant, la cristallisation, conférée par la non-opposition à déclaration préalable – non contestée à l’époque – a bénéficié au permis de construire de ce dernier lot, puisque son acquéreur avait lui-même acquis dans le délai de trois ans, les trois premiers lots, qui n’étaient pas à bâtir. Ce « portage » des premiers lots, peut-être à peu de frais, s’est avéré finalement fort utile. 

Cette façon de procéder, possible pour les opérateurs quand le ou les propriétaires acceptent de céder leur unité foncière par tranches, devrait se développer en pratique. Sous réserve de prendre quelques précautions pour que le permis d’aménager ou la déclaration préalable intégrant des lots non bâtis ne soient pas sérieusement contestables…

Autorisation d’urbanisme : un même vice ne peut être régularisé qu’une fois

CE, 14 octobre 2024, n° 471936, publié au recueil

Le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence en matière de régularisation des autorisations d’urbanisme. Selon lui, après un premier sursis à statuer en vue de régulariser, un nouveau sursis à statuer ne peut être prononcé s’agissant de la mesure de régularisation que si celle-ci est entachée d’un vice propre. Si le vice initial n’est pas purgé par la mesure de régularisation, elle doit en revanche être annulée.

Dans cette affaire, deux permis de construire (PC) en vue de l’édification d’un parc photovoltaïque ont été contestés. La CAA de Marseille a sursis à statuer sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme afin notamment de permettre la régularisation du vice tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact. Deux PC modificatifs (PCM) ont alors été délivrés, après complément de l’étude d’impact. La Cour a toutefois, dans son arrêt au fond, annulé les deux PC initiaux et les deux PCM, au motif que ce complément était toujours entaché d’insuffisance. La Cour a ainsi refusé d’appliquer de manière successive l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation d’un vice non purgé affectant déjà le PC initial.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat rappelle d’abord que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, après avoir recueilli au préalable les éventuelles observations des parties sur la possibilité de régulariser les vices retenus.

L’obligation de sursoir ne s’applique toutefois pas dans deux cas limitativement listés :

  • Lorsque les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme (relatif au mécanisme d’annulation partielle) sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir ;
  • Lorsque le bénéficiaire de l’autorisation a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation (v. CE, avis, Section, 2 octobre 2020, n° 438318, publié au recueil).

La haute juridiction ajoute que l’obligation de surseoir à statuer s’applique également lorsque le juge constate que la légalité de la mesure de régularisation est elle-même affectée d’un autre vice, qui lui est propre.

En revanche, elle précise que, lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu’il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l’autorisation d’urbanisme initiale, il appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu de mettre à nouveau en œuvre la procédure prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation du vice considéré.

En synthèse, :

  • lorsqu’il est affecté d’un vice propre, un PCM de régularisation peut faire l’objet d’un nouveau sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.
  • En revanche, lorsqu’il est affecté du même vice que le PCM, qui n’a donc pas été purgé, un nouveau sursis à statuer ne peut être prononcé. Le PC initial et, par voie de conséquence, le PCM doivent alors être annulés.

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